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La Covid-19, élément de géopolitique sanitaire concourant à la fin de l’occidentalisation du monde

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(versione in italiano)

La pandémie de COVID-19 a donné place à une compétition mondiale entre puissances. Pourtant, cette pandémie appelait de la part de certains et spécifiquement pour le monde occidental une leçon : la modestie. Modestie parce que les occidentaux pensaient alors que leurs systèmes de santé les préserveraient de cette pandémie qui pourrait davantage évoluer en Afrique ou en Asie. Le regard aura été condescendant très tôt vis-à-vis de certains pays comme la Chine ou de certains continents à l’instar de l’Afrique. Or, très vite, le système de santé occidental a été débordé au point où dans certaines grandes villes américaines et européennes, on a eu des hôpitaux surchargés avec des décès en cascade. Ce qui a conduit au recours aux fosses communes aux USA. Image surréaliste, mieux apocalyptique d’une terrible fragilité et d’un cinglant aveu d’impuissance. Cette situation illustre la perte par l’occident de son statut monopolistique de puissance sanitaire rayonnante. Et d’un seul coup, il ne pouvait plus à la suite de cette pandémie fixer l’agenda de géopolitique sanitaire du monde, ni se faire obéir.

Si la crise a surtout été sanitaire, elle s’est montrée multiforme en impactant la vie économique, budgétaire et les finances publiques. La pandémie est devenue une crise économique internationale.

La pandémie de Covid-19 a bouleversé la géopolitique sanitaire mondiale. Elle a accentué et révélé certaines tendances déjà à l’œuvre dans le « monde d’avant[1] ». Loin de susciter un regain de coordination et de coopération, la lutte contre le virus a avivé les rivalités et renforcé les positions de la Chine et de la Russie. Les deux puissances eurasiatiques se sont affirmées, dans les médias et sur le terrain, comme des alternatives sanitaires à l’Occident. Dorénavant, le but ultime de ces puissances est de saisir l’opportunité qu’offre cette pandémie pour consacrer la « fin de l’occidentalisation du monde[2] »

  1. Le multilatéralisme sanitaire en état de paralysie générale

Le système onusien (OMS) soutenu par les Européens a été très affaibli par la pandémie et l’administration du Président Trump, qui lui reprochait d’avoir rassuré et même occulté l’ampleur du danger sanitaire. Ainsi, l’OMS est devenue l’enjeu d’une polémique entre la Chine et les États-Unis et s’est trouvée brusquement prise dans le « piège de Thucydide[3] » c’est-à-dire qu’ils sont désormais engagés dans une spirale d’hostilité dans laquelle l’Empire du Milieu étant une puissance montante concurrence la puissance établie, en l’occurrence celle de « l’Oncle Sam[4] » pour l’hégémonie militaire. L’OMS est donc un terrain d’expression de cette rivalité et devient ainsi une victime directe avec la suspension de l’importante contribution américaine à son budget.

La conséquence immédiate est donc l’affaiblissement supplémentaire du multilatéralisme, dans son volet sanitaire. Cette situation consacre les visions chinoise et russe du système onusien qui apparait ainsi comme un « machin »[5]  entre les mains des États-Unis. Ceux-ci ne le soutenant que quand cela sert leurs intérêts géopolitiques. Dans le cas contraire, le système onusien se discrédite lui-même.

Pour répondre aux besoins des pays dont les systèmes de santé publique étaient dits vulnérables, il a été mis en place l’initiative Access to Covid-19 Tools Accelerator en avril 2020, au travers d’un mécanisme financé par l’OMS et la société civile : COVAX. Ce dispositif avait pour objectif de distribuer deux milliards de doses de vaccins jusqu’à la fin 2021. Mais les obstructions rencontrées par ce dispositif démontrent à suffisance la faiblesse du multilatéralisme sanitaire.

  1. Le leadership occidental toussote

Cette pandémie entrainera des conséquences sur le système onusien qui est ainsi frappé d’un discrédit davantage amplifié par la course internationale à la vaccination. Les autres parties du monde se sont déjà lancé face au défi de reconstruire les institutions multilatérales. Il est peu sûr que le retour des États-Unis au sein de l’OMS suffise à dissiper le malaise assez vite. La guerre en Ukraine le démontre une fois encore.

Si le multilatéralisme sanitaire onusien ne s’est pas discrédité seul, il a été le souffre-douleur de la présidence Trump et de l’aveuglement médical de son administration. Mais il a également été victime de l’incompréhension des solutions endogènes produites dans certaines parties des pays dits moins développés et qui auraient (aucune étude sérieuse ne le démontre) contribué à éviter le pire qui était annoncé pour l’Afrique et qui ne s’est pas produit. Le taux de létalité apparent pour la Covid-19 en Afrique est inférieur au CFR[6] mondial, ce qui suggère que les résultats ont été moins graves parmi les populations africaines et notamment un pays comme le Cameroun[7].

Si la crise a accentué le retrait américain et induit l’affaiblissement du cadre des rapports multilatéraux, la nouvelle administration américaine essaye de réaffirmer son engagement au sein des organisations internationales et notamment à l’OMS. Dans le même moment, les deux puissances eurasiennes ont perçu que le monde de la pandémie était construit sur une doctrine des relations internationales où le multilatéralisme était apparent et reposait en réalité sur une primauté américaine et un suivisme européen. La montée en puissance d’un pays comme la Chine au sein des institutions onusiennes tend toutefois à nuancer ce lien mécanique entre multilatéralisme et leadership américain que l’on a connu jusqu’ici depuis la chute du mur de Berlin.

  1. Le dynamisme des régimes autoritaires Russo-Chinois dans la rivalité face à l’occident libéral

Suite au retrait américain de l’OMS, les visées chinoises et russes ont conquis le secteur de la santé comme un espace de formulation de leurs puissances scientifiques, logistiques et industrielles. Ainsi, la lutte contre la pandémie a été avant tout une lutte pour affirmer la supériorité de ces régimes autoritaires sur l’Occident libéral ou démocratique.

Ainsi, l’on assistera entre 2020 et 2021 à une « bagarre » sanitaire des géants russo-chinois contre les dieux occidentaux (USA/UE). La première partie de cette bataille a opposé la Chine à ses rivaux régionaux (Taiwan, Corée, Japon) et mondiaux (Union Européenne, Etats-Unis) sur le décompte des contaminations et des décès. Ainsi, dans une vrille quantitativiste propre aux régimes autoritaires, la qualité d’un Etat s’appréciait alors au nombre d’infectés et de morts. Concomitamment, la Chine et la Russie ont lancé avec doigté une « diplomatie des masques[8] » dont l’objectif principal était de dynamiter l’influence des Etats-Unis et de l’Union Européenne dans leurs traditionnelles zones d’influence et sur leurs propres territoires. Là encore, la qualité d’un régime politique était censée se mesurer à la production de masques, de blouses, de gants, de respirateurs et de lits d’hôpital dans des délais court. La conséquence immédiate était la consécration par leur rayonnement international des régimes politiques Russe et Chinois qui s’appréciaient à leur capacité à acheminer partout dans le monde la production des équipements de protections et de soins.

Dans la seconde partie de la bataille, la compétition s’est déportée sur la vitesse de mise au point des vaccins. La Russie a lancé une course de vitesse. Puis c’est la Chine qui s’y est mise. En vaccinant partout dans le monde, « la Russie et la Chine ont bousculé avec panache l’Occident dans le triple statut d’industriels mondiaux de la santé, de pionniers scientifiques et de fournisseurs d’aide humanitaire[9] ». Les Russes et Chinois ont également marqué des points dans la bataille de la communication[10], avec la publicité faite autour de leurs vaccins (Spoutnik V, Sinopharm, Sinovac).

Pour Pékin et Moscou, la Covid-19 a été un accélérateur de mise à mort de l’occidentalisation sanitaire du monde.

  1. L’indépendance sanitaire hésitante de l’Union Européenne

Le domaine de la santé en Europe a toujours été pour l’essentiel dans le champ de compétence des États. Cette situation à la survenance de la pandémie va connaitre une évolution. Très vite, l’UE s’organisera en lançant une centrale commune d’achat pour les vaccins. Elle connaitra toutefois des retards en matière de commandes et des lenteurs dans les négociations. A l’évidence, la réponse européenne apparaît comme hésitante, défaillante de ce point de vue, et en retard. Globalement, en dépit de sa volonté, L’Union Européenne a perdu la bataille de l’image avec la Chine et la Russie.

Dans le nouveau monde qui s’organise à l’initiative des puissances Eurasiennes, l’Union Européenne cherche encore son indépendance et son rayonnement sanitaire de même qu’elle cherche son rôle géostratégique sur le plan sanitaire. Pour l’Union Africaine par contre, la crise aura peut-être servi de révélateur sur la fin de l’occidentalisation de sa gestion des crises sanitaires et sur la nécessaire mise en place d’une politique de sécurité sanitaire autonome qui repose sur la compréhension des chaînes de valeur, des capacités de production en partie endogène et d’une politique de recherche plus réactive et également axée sur les propriétés médicinales locales.

  1. La fin de l’Occident ?

Si le monde d’hier a fait place à un monde en mutation, il nous semble opportun de souligner que le nouveau monde est déjà là et que le multilatéralisme sanitaire doit être reconstruit. Ceci en prenant appui sur une image objective qui laisse entrevoir que « nous sommes tous dans le même bateau, mais tous n’ont pas accès aux canots de sauvetage[11] ». Si à certains endroits du monde, le multilatéralisme fonctionne bien, il faut toutefois regretter qu’il ne remplisse pas la promesse d’une santé mondiale. De fait, cette pandémie a fait apparaître un monde plus concurrentiel, où les puissances émergentes affirment leur rôle pour voir apparaitre un monde sanitaire post-occidental, ou si oui, un monde sanitaire occidental marginal.

Si cette concurrence est faite de postures, elle se règle toutefois également à coup d’avancées technologiques majeures. C’est une partie de la médecine de demain qui a émergé avec cette crise. Il reste à voir comment ces avancées seront redistribuées équitablement entre les pays ou selon des logiques de puissance ; il est fort probable que la seconde hypothèse prévale. L’Occident certainement y joue sa survie.

Christian Michel TSANGA ATANGANA, Doctorant en Droit Public

  1. BRET C, PARMENTIER F. et Télos, Avec la Pandémie, l’occident perd du terrain face aux régimes autoritaires chinois et russe, SLATE fr 26 mars 2021 à 12h08
  2. PANHUYS H., La fin de l’occidentalisation du Monde ? De l’unique au multiple, Paris, l’Harmattan, 2004
  3. GRAHAM A., Explaining the Cuban Missile Crisis, Little Brown, Boston, 1971
  4. MOSALLI I., Mais qui est véritablement l’Oncle Sam ?, L’Orient-Le Jour,www.lorientlejour.com/article/1071375, 08 septembre 2017 à 00h00
  5. DE GAULLE C., discours à Nantes, 10 Septembre 1960
  6. CFR : Case Facility Rate
  7. Partnership for Evidence-Based Response to COVID-19, Cameroun : comment équilibrer les mesures sociales et de santé publique, Données mises à jour le 19 août 2020
  8. BRET C, PARMENTIER F. et Télos,  Idem
  9. BRET C, PARMENTIER F. et Télos,  Ibidem
  10. AVATIN L., Comment la Chine et la Russie exploitent la crise sanitaire à des fins politiques et géopolitiques, Ecole de Guerre Economique, 2 Avril ’20
  11. AMOUGOU T., Climat : « nous sommes tous dans le même bateau, mais tous n’ont pas accès aux canots de sauvetage », Le Monde Afrique, 31 Mars 2019 à 19h00, www.lemonde.fr

 

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